séminaire international
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Le 1er séminaire international

21/05/24

Le premier séminaire international organisé par le Musée-mémorial du terrorisme le 15 mai 2024 marquera une avancée décisive dans le travail de mémoire face au terrorisme. 

En effet, dans une perspective internationale se sont réunis plusieurs musées-mémoriaux consacrés au terrorisme dans le monde. L’objectif de la journée était d’échanger et de partager les travaux réalisés jusqu’à aujourd’hui, partout dans le monde, pour rendre compte du terrorisme, de ses répercussions sociales et du rôle des institutions muséales dans la transmission de la voix des victimes. Apprendre, comprendre afin de mieux se souvenir et combattre ce phénomène international.

 

Comme l’a souligné le chercheur Michel Wieviorka en introduction, ce travail entamé par les musées-mémoriaux consacrés au terrorisme permet de répondre à la dissonance entre l’espace-temps mobilisé par le terrorisme, qui est international, de celui des victimes frappées par ce dernier, qui est à l’échelle humaine et individuelle.

La première table ronde de la journée a été l’occasion de revenir sur les fondements des musées-mémoriaux consacrés au terrorisme. Initiant la discussion, Henry Rousso, président de la mission de préfiguration du MMT, a rappelé que la séparation entre mémoire et histoire n’est plus d’actualité. L’oubli comme politique mémorielle ne saurait répondre aux attentes des sociétés meurtries et des victimes touchées. La reconnaissance des événements et le recueillement qu’elle induit doivent aller de pair avec la connaissance des caractéristiques du terrorisme comme fait social. 

Que ce soit au Pérou pour la mémoire des victimes de terrorisme perpétré par le Sentier Lumineux ou en Espagne pour celles de l’ETA, deux représentants d’établissement ont témoigné dans quelle mesure leurs institutions occupent une place indispensable dans la réhabilitation des voix des victimes et l’analyse des ressorts du terrorisme et de ses conséquences sociétales. Pour lutter contre la complaisance à son égard en Espagne ou la réticence à évoquer ces souvenirs douloureux au Pérou, les musées-mémoriaux doivent justifier de leur pertinence par des projets scientifiques et culturels rigoureux, des ateliers pédagogiques et artistiques ambitieux ou encore des formations appropriées. 

L’anthropologue Brigitte Sion a conclu cette table ronde en énonçant une typologie des lieux de mémoire, leurs similitudes, leurs particularités et écueils observés dans ses travaux.

Les équipes du Musée-mémorial du terrorisme ont présenté une partie des pièces constitutives de sa collection au public. L’occasion de révéler, en exclusivité, des pièces caractérisant le futur parcours muséal proposé : aquarelles de procès, scellés judiciaires, œuvres artistiques, mobiliers urbains. Autant d’artefacts qui permettent de mieux comprendre un phénomène complexe et ses répercussions sociales. 

catalogue

La seconde table ronde a été l’occasion d’entrer dans le cœur du travail des musées-mémoriaux consacrés au terrorisme : la mise en lumière de la parole des victimes et de leur place dans la société. L’enjeu est de taille : comment transmettre une parole individuelle, sensible, meurtrie, dans un cadre plus global faisant référence à un phénomène aux multiples ramifications et caractéristiques spécifiques. 

Après avoir mis en exergue l’importance de faire confiance à l’intelligence collective, l’ancien procureur François Molins a donné la parole à Philippe Duperron, président de l’association 13onze15 Fraternité et Vérité. Directement concerné par la question, ce dernier a rappelé l’importance de la transmission de la parole des victimes, de leurs visages, de leurs histoires et de leurs individualités en vue de leur rendre la singularité que le terrorisme a cherché à effacer. Lena Fahren directrice du 22.juli-senteret a, dans ce sens, défini les victimes comme de véritables partenaires. Leurs récits sont indispensables au souvenir, à l’éducation des personnes et à la transmission d’un discours d’espoir, meilleure réponse à la peur, à la terreur et à la brutalité que des événements comme ceux d’Oslo et de l’île d’Utoya ont été empreints. 

Même constat du côté de Noah Rauch, vice-président du musée-mémorial du 9/11, qui a énuméré plusieurs dispositifs mobilisés par le musée afin de porter la voix de celles et ceux qui ont péri dans la chute des tours jumelles le 11 septembre 2001. 

En somme, les victimes et leurs témoignages représentent le cœur du processus mémoriel porté par les musées réunis, en ce qu’elles sont le miroir des réactions de la société dans son ensemble. Comme l’a souligné Maëlle Bazin dans sa présentation, 57% des personnes disent avoir réagi d’une manière ou d’une autre à l’issue d’événements terroristes (dessins, productions, écriture, recueillement, marche etc). La chercheuse a présenté son travail fourni sur les réactions des sociétés face au terrorisme. 

La dernière table ronde de la journée, animée par l’historienne de l’art Olga Medvedkova, a été l’occasion d’évoquer les musées-mémoriaux par le prisme de leur architecture. Et de s’intéresser, comme l’a déclaré la chercheuse, à la manière dont ils déplacent les événements dans un espace-temps différent, ancré dans le sol, afin d’en extraire un récit narratif. Une approche complétée par les travaux de l’historienne Annette Becker, qui a effectué un panorama de différents musées-mémoriaux dans le monde. L’assistance a été amenée à observer l’importance des vides, de l’espace, de la lumière et des bruits, qui permettent de faire de ces lieux de mémoire des conservateurs d’une histoire vivante.

Des dispositifs architecturaux mobilisés également par le musée du 11 septembre, dont l’architecte Mark Wagner a présenté les grandes lignes : des coursives et de grands espaces permettant de placer le visiteur dans une certaine posture de visite, des lieux de croisement dans le parcours favorisant les rencontres humaines face à la mort et à l’horreur exposées. Les enjeux énumérés par les intervenant.e.s sont multiples : l’éducation des futures générations, l’authenticité de la transmission de la parole des victimes, ou encore la place de l’émotion.

Esther Shalev-Gerz, artiste plasticienne, a conclu cette table ronde en présentant une de ces œuvres mémorielles, une colonne rectangulaire sur laquelle les citoyen.ne.s ont été invité.e.s à y inscrire des messages. Progressivement enfouie dans le sol, ces messages avaient vocation à disparaitre pour laisser de nouveaux espaces libres. Une manière de construire son propre mémorial et de faire société ensemble afin de s’approprier cette mémoire vive et d’en faire un récit narratif collectif.

 

En conclusion de cette journée, Nathalie Bondil a agrémenté les réflexions par l’invocation de la place du care dans notre société moderne. Dans quelle mesure notre société s’oriente davantage vers l’empathie, la conscientisation de l’autre et l’importance de se mettre à sa place pour comprendre son récit. Une notion indispensable pour porter encore mieux la voix des victimes de terrorisme et accéder au traumatisme dont elles sont l’objet.

La convivialité n’a pas été oubliée grâce aux espaces au sein du Conservatoire national des Arts et Métiers, où les échanges ont pu se poursuivre informellement à l’issue de cette journée – en présence d’œuvres symboliques de l’inventivité humaine. Le MMT remercie chaleureusement le Cnam, partenaire majeur de cette journée, qui en aura permis son succès.
 

1ere table ronde
Première table ronde animée par Michel Wieviorka

2e table ronde
Lena Fahre, Philippe Duperron, Noah Rauch

3e table ronde
Esther Shalev-Gerz, Mark Wagner, Maëlle Bazin
Exposition des collégiens et lycéens, 2e édition
A partir du 30 septembre
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Rapport d'activité 2023

21 juin 2024