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La reconstruction, d’après Henry, victime de l’attentat de Barcelone

Henry, pour ses premières vacances avec des amis, avait choisi de se rendre à Barcelone, il était sur les Ramblas, le 17 août 2017, quand un terroriste a foncé, en camion, sur la foule. Il se confie sur son cheminement de reconstruction.

MMT : L’attentat a eu lieu le 17 août, que s’est-il passé après ?
Henry : En fait, au début, pas grand-chose, j’ai repris ma vie, presque comme si rien ne s’était passé, tout est allé trop vite. Les symptômes de stress post-traumatique sont venus bien plus tard. Certes, la reprise de mes études supérieures, c’était compliqué, j’étais à un rythme différent des autres, je me sentais exclu petit à petit, déphasé. Je n’arrivais pas à comprendre ce qui m’était arrivé, donc je ne parvenais pas à l’expliquer à ma famille, à mon entourage et encore moins auprès de mon école et dans mon entreprise. Je me sentais un peu livré à moi-même, je me coupais peu à peu de mes amis car ils ne pouvaient pas comprendre ce que je vivais, j’étais seul mais je m’étourdissais dans le travail et j’essayais de ne pas y penser. Je sais maintenant, avec le recul que c’était une erreur, il faut savoir prendre le temps pour soi, pour comprendre ce qu’il nous arrive, se reconstruire, c’est nécessaire. Je regrette de ne pas avoir fait un break, d’avoir pris une année pour moi, pour mieux rebondir, car comme le dit le psychiatre Carl Gustav Jung “L'homme mérite qu'il se soucie de lui-même car il porte dans son âme les germes de son devenir.”  

MMT : Mais plus tard, la situation s’est compliquée ?
Oui, le confinement, à la suite de l’épidémie de Covid a été très difficile et a mis tout le monde au ralenti. Mais ce ralenti, a eu d’importantes conséquences pour moi, car le fait de faire une pause dans le travail, c’est à ce moment-là que les symptômes post-traumatiques sont apparus, tout doucement. J’ai commencé à perdre confiance en moi, à avoir des flashbacks, à faire des cauchemars, des crises d’angoisse sans savoir pourquoi, et à perdre du poids très rapidement. Et c’est là que l’on m’a diagnostiqué un choc post-traumatique. Une fois que ce diagnostic a été posé, cela a été un soulagement, je savais ce que j’avais. À ce moment-là, il faut l’accepter, lâcher-prise, tout en restant au combat et accepter que notre corps ait besoin de se réaligner avec lui, après un événement marquant. Il faut accepter ce qui nous arrive. J’ai alors entamé un processus de reconstruction qui est encore en cours, mais je vais beaucoup mieux. J’ai fait un travail sur moi et j’ai redécouvert qui je suis, je me suis retrouvé intérieurement et je veux à nouveau prendre pleinement ma place dans la société et faire ce « virage de vie » que beaucoup de victimes d’attentats ou de violences domestiques (j’ai remarqué que le processus de reconstruction était très similaire) font pour se retrouver entièrement.

MMT : Qu’est-ce qui vous a permis d’avancer « sereinement » sur ce chemin de la reconstruction ?
Le plus important, c’est l’acceptation, il faut accepter. Accepter que l’on a été victime, accepter que quelqu’un a essayé de vous tuer mais accepter aussi que vous êtes en vie et que vous devez le rester, même si d’autres qui étaient avec vous n’ont pas eu cette chance. Il faut accepter d’être dans le noir et vouloir aller, coûte que coûte, vers la lumière. Et, puis, en ce qui me concerne, la foi m’a beaucoup aidé. Elle m’a sauvé, je me souviens d’ailleurs que quand nous étions cachés dans un café, au moment de l’attentat, nous étions une cinquantaine, pas tous croyants, mais on a tous prié ensemble pour ceux qui étaient restés dehors. Alors, oui la foi m’a beaucoup aidé, mais aussi la foi en l’humanité et en la bienveillance. Je crois qu’en chaque homme, il y a une part de beau et un trésor au plus profond de nous.

Maintenant, avec le recul, je suis presque fier de mon parcours, j’ai gravi une montagne intérieure, même s’il y a encore quelques rechutes (et ce n’est pas bien grave). Mais, je rebondis et je suis en paix car j’ai accepté, j’ai même pardonné même si je n’oublierai jamais. Et si, je m’en suis longtemps voulu d’avoir survécu, et si j’ai voulu mettre fin à mes jours, aujourd’hui, avec le recul, je me dis « non, ne t’élimine pas, vis ta vie ! ». La reconstruction est un long chemin sur lequel je continue d’avancer avec foi et bienveillance.


 

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