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Les corps face au terrorisme

Le terrorisme renvoie à des pratiques et des idéologies extrêmement différentes. Certains terrorismes visent à tuer. Certains le font via des attaques ciblées : par exemple, l’assassinat d’une personnalité, comme Georges Besse, le PDG de Renault, assassiné par Action directe en France en 1986. D’autres par le biais d’attentats de masse ou attentats dits à l’aveugle, où le terroriste cherche à tuer et blesser le plus possible, comme à Paris et St-Denis, le 13 novembre 2015, ou à Nice, le 14 juillet 2016. Sur cette typologie des « cibles » se greffe celle des modes opératoires : explosions (attentats à la voiture piégée ou à la bombe, grenades, etc.), fusillades, attaques à l’arme blanche, utilisation de véhicules, etc. En fonction du mode opératoire choisi par le terroriste, les blessures des victimes sont variables, mais présentent quelques caractéristiques communes.
Les blessures reçues lors d’attentats terroristes se rapprochent des blessures de guerre : Les victimes sont fréquemment polyblessées ou polytraumatisées1. Mais les attentats terroristes sont aussi des évènements traumatogènes dont les conséquences psychologiques sont variables et dépendent des modalités d’exposition, de l’histoire de vie de la victime, et de bien d’autres caractéristiques. L’impact psychologique des attentats est extrêmement étendu. Dès le premier mois, l’évolution est très variable : chez certaines victimes, les symptômes vont diminuer progressivement ; chez d’autres, ils vont persister voire augmenter ; dans certains cas, ils apparaissent tardivement2.

La prise en charge des victimes dépend largement de la nature de l’attentat : du nombre des victimes, et de la nature des blessures, notamment. Lors des attentats à l’aveugle, aux victimes nombreuses, le triage des blessés est inévitable. Mais il ne peut se faire sans une sécurisation antérieure des lieux. En effet, certains attentats sont isolés, d’autres au contraire sont des attaques complexes, avec plusieurs assaillants, une combinaison d’explosion et de fusillade, une diversification des techniques de mise en œuvre et des attaques, à la fois pour désorganiser les forces de police, mais aussi des secours et la prise en charges des victimes. Lorsqu’un attentat survient, il est impossible de savoir immédiatement quelle est sa nature, et s’il y aura sur-attentat ou pas. Il faut donc faire comme si. Tout cela suppose que la mise en œuvre des services de sécurité et de secours soit planifiée.

La prise en charge des victimes de terrorisme suppose une formation préalable de professionnels de la sécurité et de la santé aux premiers secours, aux blessures de guerre et au suivi nécessaire, y compris la prise en charge du stress post-traumatique. Des plans nationaux prévoient la mobilisation de dispositifs spécifiques. Le « plan rouge » a été créé à Paris en 1978 à la suite d’une explosion accidentelle ayant fait 13 morts et de nombreux blessés rue Raynouard. Après l’attentat de la rue de Rennes, en 1986, il a été étendu à toute la France. Il permet aux préfets d’organiser les secours préhospitaliers pour tout événement provoquant un nombre élevé de victimes. Après les attentats de Madrid (11 mars 2004) et de Londres (juillet 2005), un autre dispositif, le plan Rouge alpha, dit de « riposte multi-attentat », a été créé pour faire face à la possibilité de plusieurs attentats simultanés, et donc à la nécessité de répartir les ressources sur plusieurs lieux. Il a été déclenché pour la première fois le 13 novembre 2015 en région parisienne. Après l’attentat commis à la station du RER St-Michel en 1995, a également été créé un dispositif d’urgence pour les blessures psychiques : les cellules d'urgences médicopsychologiques (CUMPs). Constituées de médecins psychiatres, de psychologues et d’infirmiers préalablement formés et intégrés aux unités d’aide médicale urgente, elles favorisent la prise en charge immédiate des victimes afin de limiter l’installation des troubles de stress post-traumatique. Ce dispositif a été complété par la création, en 2019, du Centre national de ressources et de résilience, dont le but est de consolider les savoirs dans le champ du traumatisme psychologique et d'améliorer les modalités de prise en charge psychologiques.

Jenny Raflik

Conseillère enseignement supérieur du GIP MMT, historienne, professeure des universités

 

1. PASQUIER Pierre, MERAT Stéphane, COLAS Marie-Dominique, Le Blessé par attentat terroriste, Paris, Arnette, 2017.
 2. DOARE Ronan, LE MASSON Jean-Michel, Blessures invisibles et terrorisme, Paris, Economica, 2018.

 

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